Les mécanismes moléculaires dans le développement précoce du SNC
Le développement harmonieux du SNC fait appel à des mécanismes de régulation très sophistiqués. Des progrès remarquables ont été faits au cours des dernières années quant à la compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans toutes les étapes du développement en passant par l'induction, la prolifération, la différenciation, la migration et finalement l'apoptose. Ces découvertes ont permis de développer largement les connaissances sur le mode de fonctionnement de certaines molécules tels que les facteurs de transcription et la transduction de signal intracellulaire spécifiques aux différents stades du développement embryonnaire.
Les études génétiques sur les invertébrés et les vertébrés inférieurs (nématode, drosophile, souris) ont permis d'identifier des gènes responsables du développement embryonnaire et d'avoir ainsi une meilleure compréhension du développement du SNC chez l'homme.
Le développement embryonnaire du SNC a pu être attribué à l'interaction complexe entre différentes molécules sécrétées telles que celles de la superfamille des TGF-β (transforming growth factors), les BMPs (bone morphogenetic proteins), les FGFs (fibroblast growth factors), les Wnts (wingless related), ainsi que les CAMs (molécules d'adhésion cellulaire) et certains gènes, en particulier les gènes homéotiques et Pax. Ces facteurs agissent en association et selon une séquence spatio-temporelle spécifique. C'est l'activation de certains gènes qui déterminera notamment la différenciation des cellules neuroectoblastiques en neurones et cellules gliales. En outre, des facteurs exogènes tels que l'acide folique et le cholestérol sont également indispensables au développement harmonieux du tube neural.
Différenciation du tube neural primitif ou la transformation neuroblastique de l'ectoderme
Durant la gastrulation, la plaque neurale est induite par la notochorde qui sécrète des substances telles que follistatine, chordin et noggin. Ces substances inhibent la sécrétion de la BMP4 (bone morphogenetic protein). Cette protéine est un facteur de croissance de la famille des TGF-β et est responsable de l'inhibition de la transformation des cellules ectodermiques en cellules neurales (voie d'expression par défaut). Des études montrent que le FGF réprime également l'expression de la BMP4 à un stade plus précoce.
Polarité antéro-postérieure du tube neural
La différenciation du tube neural s'accompagne d'une modulation de l'expression génique dans la notochorde, la plaque préchordale, l'organisateur isthmique et dans le tube neural.
- Au niveau du prosencéphale - où il n'y pas de notochorde - c'est la plaque préchordale qui joue le rôle d'inducteur avec l'expression de facteurs de transcription tels que Emx (empty spiracle), Lim et Otx (orthodenticle).
- En revanche, au niveau du mésencéphale et du rhombencéphale, c'est la notochorde et le mésoblaste para-axial qui jouent ce rôle.
- Le développement de la partie postérieure du tube neural dépend de la présence d'autres facteurs tels que les FGFs (fibroblast growth factors) ainsi que de l'expression des gènes Hox, cdx et de l'acide rétinoïque.
- Enfin, l'organisateur isthmique est un élément important de la segmentation antéropostérieure du cerveau. Il exprime notamment des facteurs de croissance tels que FGF et Wnt et en (engrailed). Une souris knock-out Wnt et engrailed présentent des anomalies du développement du mésencéphale et du cervelet.
Polarité dorso-ventrale du tube neural
Alors que la polarité antéropostérieure est déterminée au stade de plaque neurale, la polarité dorso-ventrale est établie plus tardivement. Celle-ci est régie par la notochorde qui induit le plancher du tube neural (plus globalement le territoire ventral forme les plaques basales motrices). Cette région spécialisée du tube neural est constituée par des cellules aux propriétés spécifiques. Elles produisent notamment des substances chimiotactiques dirigeant la croissance des axones commissuraux vers le côté controlatéral. En outre, le complexe notochorde-plancher serait responsable de l'induction de la différenciation précoce (stade 13) des neurones moteurs. En effet, c'est le Shh (sonic hedgehog), une glycoprotéine sécrétée par la notochorde puis par la plaque neurale, qui va induire à ce niveau la répression des gènes dorsalisants tels que PAX 3 et PAX 7 et permettre ainsi la différenciation des neurones moteurs.
Quant au territoire dorsal, il constitue les futures lames alaires sensitives, dont la dorsalisation est faite par l'activation d'une cascade de facteurs de croissance de la famille des TGF-β (dorsaline, activine, BMP4), ainsi que Wnts. Ces facteurs sont responsables de l'expression de gènes dorsalisants notamment PAX 3 et HOX 7 (msx1). L'expansion ventrale de cellules de type sensitif après ablation de la notochorde indique que la différenciation de ces cellules est soumise à une influence inhibitrice en provenance de celle-ci.